Caturupayam

[Août 2009 - Rémi]
Les anciens traités indiens d'art militaire et d’économie politique ont répertorié à l'usage du souverain quatre modes d'action stratégique devant lui assurer succès et victoire sur ses ennemis en cas d'offense, d'opposition, voire de guerre. Ces quatre voies destinées originellement au règlement des conflits sont collectivement dénommées caturupayam. Leurs dénominations singulières sont: sama, dana, bheda et danda.

Déjà le Mahâbhârata, cette grande épopée relatant l'opposition entre deux branches cousines d'une même famille royale - les Pandava et les Kaurava - et rédigé il y a près de vingt-cinq siècles, énonce précisément les principes du caturupayam. Dans les siècles qui suivront, Kautilya codifiera la voie du caturupayam dans son célèbre Arthashastra, traité d'économie politique, en exposant le recours à quinze stratagèmes issus des possibles combinaisons entre les quatre upayas.

L'astrologie indienne classique a, quant à elle, établi de longue date une correspondance entre les planètes et les éléments du caturupayam.

Sama consiste à attirer à soi et à convertir autrui, en le gagnant par des explications, des conseils et des comportements agréables. Sama est le chemin de la conciliation, de l'indulgence et de l'aimable persuasion basée sur le raisonnement, le bon sens et l'égalité. Sama est employée en priorité pour traiter avec ses fils, ses frères et autres parents, et avec les gens de nature amicale et franche. Sama est la voie de Vénus et de Jupiter.

Si sama échoue, il est fait appel à dana. Dana consiste à oublier l'offense, à pardonner et à faire preuve de libéralité. Dana est le chemin du don qui consiste à faire succomber l'opposant à ses propres tentations. Le souverain offre alors une récompense, une rémunération, une cérémonie, un titre, un cadeau, une terre. Il est recommandé au souverain de recourir à dana pour traiter en priorité avec les chefs militaires, les capitaines, les héros et les citoyens qui entretiennent les tensions intérieures. Si le souverain a été offensé par des chefs de clans ou de tributs de son royaume, il ne devrait pas se servir de dana mais uniquement de sama et de bheda. Dana est la voie de la Lune.

Si l'ennemi n'est toujours pas vaincu, il faut employer bheda. Bheda consiste à diviser pour mieux régner, à détruire judicieusement une longue amitié entre deux individus, à faire soi-même sécession ou à faire se quereller les diverses parties en présence. Bheda est le chemin de l'accroissement des dissensions favorables déjà existantes, en marquant les différences et en usant de mesures discriminatoires. Bheda est recommandé au souverain pour traiter avec ceux dont les louanges sont célébrées à tort, avec les invités qui l'insultent, avec ceux qui ne recherchent pas la richesse, avec les traîtres et ceux qui cultivent la colère. Bheda est la voie de Mercure et de Saturne.

En dernier recours, utiliser danda. Danda consiste pour le souverain à punir très sévèrement par la privation des biens, par la torture ou par la mort. Le châtiment peut être infligé au grand jour ou en secret selon le soutien que le peuple apporte à l'ennemi. Danda est le chemin de la sanction, la politique du bâton, celle du conflit ouvert. Il exige du souverain d’être assuré de sa propre puissance. Il est le recours à une force policière agressive ou à une force armée d'attaque. Danda est la voie du Soleil et de Mars.

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Trois autres réponses à l'ennemi ont été plus tardivement ajoutées au caturupayam, formant un nouvel ensemble de sept moyens d'action, appelé saptopayam. Les trois approches supplémentaires ne constituent cependant plus une gradation de l'action. Elles ont en commun de ne plus s'appuyer sur le sentiment de sa propre puissance et de ne plus chercher à toucher directement l'ennemi. Elles sont nommées maya, upeksha et indrajata. Maya signifie avoir recours à l'illusion et à la tromperie au moyen de déguisements, de pouvoirs yogiques ou magiques. Upeksha consiste à ignorer délibérément l'ennemi et à poursuivre ses propres objectifs. Indrajala désigne l'art de naviguer au mieux entre les forces et les parties dont l'affrontement est en cours.

Si le caturupayam a été originellement conçu pour aider le souverain dans ses choix stratégiques, recourir aujourd’hui encore à sa classification nourrit notre intelligence et favorise le succès de nos efforts. Son usage est d'une grande évidence en de nombreux domaines: l'éducation d'un enfant, l'enseignement d'un élève, le rapport employeur employé, la rivalité politique.

Astrologiquement, en plus d'asseoir notre connaissance des significations planétaires, le caturupayam améliore l'analyse qui peut être menée sur un thème natal des moyens naturels dont dispose un natif pour s'affirmer et pour protéger en cas de conflit son espace personnel. Il oriente les conseils et les remèdes que l'astrologue peut être amené à délivrer. Et bien entendu, il constitue une référence incontournable dans la pratique de l'astrologie mondiale, notamment lors de la lecture des thèmes des chefs d'état et des leaders politiques, sociaux et économiques.